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[Info] Plateformes et occasion font mauvais ménage

Par - publié le 19 Décembre 2014 à 12h15
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Vous êtes un habitué des jeux dématérialisés et vous êtes persuadé du bon fonctionnement et de la sécurisation de vos plateformes ? Voilà qui vous en apprendra un peu plus, et surtout vous incitera à faire attention…

Avec la démocratisation de la dématérialisation des jeux, les joueurs qui ne veulent pas prendre la peine de se déplacer en magasin sont servis. Concept d’abord développé sur PC avec des plateformes telles que Steam, Origin ou Battle.net, il se répand également sur les nouvelles générations de consoles, qu’elles soient de salon ou portables. Ainsi nous avons le XBoxLive pour la XBox, le Playstation Store pour la Play, l’E-Shop pour la Wii etc..

Le joueur y trouve son intérêt : tarifs réduits, gain de place, pas de perte de temps… mais c’est d’autant plus rentable pour l’éditeur qu’il n’a pas de CD à presser (mince, qu’il est loin le temps où c’étaient des cassettes !), pas de transporteur à rémunérer ni de vendeur à commissionner. Ainsi nous avons beau pouvoir profiter d’offres promotionnelles multiples, en réalité l’éditeur augmente considérablement ses marges tout de même. Gros avantage pour tout le monde : cela permet de donner leur chance à de petits studios méconnus qui n’auraient pas les moyens de fabriquer un jeu matérialisé.

 

Pour le moment tout le monde y trouve son compte et c’est tant mieux, cependant la dématérialisation file un sacré coup à l’occasion.
Est alors venu le problème des licences imposées par les plateformes : comme pour le secteur musical, si vous avez acheté le CD vous êtes propriétaire de son contenu, mais si vous l’avez téléchargé vous recevez seulement une licence. Ainsi, le jeu ne vous appartenant pas, vous ne pouvez le revendre. Le plus problématique vient ensuite : quand vous achetez sur une plateforme, le jeu est définitivement et strictement lié à votre compte. Vous ne pouvez donc même pas ne serait-ce que le prêter à vos amis, sauf si vous leur donnez également vos identifiant et mot de passe, ce qui est bien évidemment interdit par les plateformes (et dans tous les cas particulièrement déconseillé, on a parfois de très mauvaises surprises avec nos "amis", dixit une connaissance qui s’est fait voler deux jeux, NDLR).

 

Le marché de l’occasion alimentant le marché du neuf, il est fort à parier qu’en limitant l’occase on limite aussi les achats neufs. Forcément, puisque la plupart des joueurs qui revendent leurs jeux le font pour avoir du budget afin d’acquérir d’autres nouveautés : « je ne suis pas sûr que les joueurs qui payaient 30€ un jeu d’occasion seront prêts demain à débourser le double pour l’avoir neuf, surtout en sachant qu’ils ne pourront pas le revendre une fois qu’ils l’auront terminé » précise Grégory Tizon, directeur marketing des boutiques Gamecash. Aussi il est à noter que si les achats de jeux neufs baissent par manque de moyens et qu’il n’y a même plus de revente possible d’occasions dans les magasins, des boutiques devront fermer, alors que les éditeurs s’en servent pour promouvoir les dernières créations.

 

Certains avantages des jeux dématérialisés s’étendent aux jeux achetés en magasin, et deviennent des désavantages. En effet, de plus en plus de jeux en dur nécessitent une connexion Internet soit pour des mises à jour (sur jeu neuf bien entendu, et donc qui ne devrait pas en avoir besoin) soit tout simplement pour pouvoir y jouer même en mode solo. Ainsi si vous n’avez pas Internet là où vous installez votre console, votre jeu sera incomplet et/ou défaillant (bugs) car vendu tel quel, voire inaccessible. Les développeurs profitent de plus en plus de cette possibilité pour vendre des jeux non terminés, ce qui était très rare du temps des cassettes, mais je vous l’accorde, malheureusement pas inexistant.

 

Pour en revenir aux plateformes, une étude des Conditions Générales de Vente a été menée. Force est de constater qu’elles sont extrêmement longues, truffées de termes juridiques pour la plupart incompréhensibles, remplies de liens hypertextes menant parfois vers plus d’une centaine d’autres pages, et enfin certaines ne sont même pas traduites. Elles sont également pleines de clauses défavorables, voire effrayantes…

 

Récapitulatif des clauses des conditions générales de ventes qui posent problème chez Steam, Origin, XBox Live et Playstation Store :

 

  • Garantie de jeux sans bugs ?

Les jeux sont fournis « sans aucune garantie d’aucune sorte, expresse ou tacite ». Pourtant chaque plateforme est un commerçant. Elles ont donc l’obligation de fournir un produit « conforme et exempt de vices cachés ».

 

  • Les responsabilités, ce n’est pas pour eux !

Valve ne garantit pas « le fonctionnement et l’accès continu, libre d’erreur, sans virus ou sécurisé à Steam », et Microsoft ne promet pas « que les services fonctionneront de manière ininterrompue, régulière, sécurisée ou exempte d’erreurs ». Ce dernier impose même aux joueurs d’utiliser ses services « en l’état » et « avec toutes leurs imperfections ».
Sony ne garantit pas « la qualité, la fonctionnalité, la disponibilité, la complétude (ça tout le monde l’a remarqué, NDLR), l’exactitude ou la performance de Sony Entertainment Network ou de ses produits.
Enfin Origin met carrément les pieds dans le plat en stipulant que l’utilisation de ses services, ses logiciels et d’internet « se fait à vos risques et périls ».
Alors, rassuré ?

 

  • Une clause connue mais problématique : « non remboursable ».

Les plateformes mettent à disposition du joueur un porte-monnaie virtuel. Il doit être alimenté par le joueur avec des fonds bien réels pour que ce dernier puisse faire différents achats sur la plateforme.
Ce à quoi on ne fait pas forcément attention, c’est que ce porte-monnaie virtuel et propriété de l’éditeur. Ainsi, les fonds qu’il contient ne sont « ni remboursables ni transférables ». En gros, si votre compte est fermé, que ce soit par votre volonté ou non, vous ne pourrez ni récupérer ni même réclamer votre argent qui y est stocké.

 

  • Et les autres contenus ?

Plus que le porte-monnaie virtuel, les contenus de l’utilisateur sont également propriétés des plateformes. Tout ce qui est créé par le joueur (personnages, décors etc.) est alors autorisé à être utilisé par la plateforme de diverses façons.
Par exemple, Origin s'octroie le droit de « republier, publier, utiliser, adapter, traduire, archiver, conserver, reproduire, modifier, créer des œuvres dérivées (...) de tout ou partie du contenu des utilisateurs de quelque manière que ce soit ». Instructif n'est-ce pas ?

 

  • De nouvelles conditions ? Où ça ?

Que vous perceviez l'information ou non, à partir du moment où de nouvelles conditions générales sont publiées même après "signature", si vous ne dites rien ces nouvelles conditions sont considérées comme acceptées, d'office. Par contre si vous les refusez, alors l'accès aux jeux que vous aviez déjà acquis par la première signature vous sera dorénavant impossible. Vous n'avez donc pas le choix si vous souhaitez continuer à profiter du service.

 

  • Joueur français, loi étrangère.

Que vous soyez français ou canadien (eh oui je pense aussi à vous !) votre utilisation d'Internet est assujettie aux lois de votre pays. Cependant Microsoft et Valve prévoient l'application de la loi luxembourgeoise, Origin et Sony imposent eux l'application de la loi anglaise ET la compétence des tribunaux anglais. Ainsi votre pays ne peut rien pour vous, vous ne pouvez être protégé par vos propres lois.

Voilà pour ce petit récap, j'espère qu'il vous informera aussi bien que nécessaire et que vous n'aurez jamais à pâtir de ces clauses !

 

Source: Que Choisir, décembre 2014.

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